Procès Ould Abdel Aziz: du nouveau à la barre

Avr 26, 2023 by deyloul

La salle d’audience comptait environ 70 personnes en son sein. Principalement des avocats, des journalistes et quelques proches d’accusés dont la fille de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui ne manque aucune session depuis l’ouverture du procès de son père et de son époux, impliqué, lui aussi dans des affaires de corruption et de banditisme. Les accusés se tiennent derrière les barreaux, affichant une mine plutôt sereine. Le président est assis au premier rang, tandis que les autres accusés forment un arc derrière lui. Devant les barreaux se tient une armée d’avocats, une vingtaine du côté des accusés et un peu moins pour la partie civile. L’échange est enflammé, tantôt emporté par l’opposition tantôt par l’amitié relative à la confrérie.
Le témoin appelé à la barre était l’ancien ministre des Finances, Thiam Diombar. Il fait face aux questions du juge et du procureur, avant de passer sous les cribles des avocats. Trois affaires sont mises sur la table : le découpage de la zone industrielle de Dar Naim, le marché accordé à la société Najah relative à la construction du nouvel aéroport de Nouakchott, et la société de coopération et de développement mauritanienne.
Thiam Diombar alerte le juge sur le fait que son récit pouvait manquer de précisions. « Je n’ai pas la mémoire très fraîche », déclare-t-il. Très vite, il entre dans le vif du sujet. Il explique que des investisseurs américains étaient venus accompagnés de l’ambassadeur mauritanien basé à Washington. Il les avait rencontré à Nouakchott sur ordre de l’ancien président la République Mohamed Ould Abdel Aziz. « J’ai discuté longtemps avec eux », précise-t-il. Ils projetaient la création d’une société mauritanienne de développement et de coopération.
Il précise que le président de la République, lui avait donné l’ordre par téléphone de libérer un capital de 100 à 200 millions d’anciens ouguiyas, aux investisseurs. C’était selon les dires de l’ancien fonctionnaire la condition à la création de cette société. Le procureur du tribunal de Nouakchott Ouest Ahmed ould Abdellahi reproche à Thiam Diombar de ne pas avoir assez étudié le dossier avant de signer. Point sur lequel l’ancien ministre n’a pas voulu se prononcer. Lorsqu’on lui demande s’il avait la certitude que la société avait bien été créée, sa réponse fut équivoque : « Je n’ai pas de réponse à cette question ».
Les avocats se mirent à rire, certains, du côté de la défense de Mohamed Ould Abdel Aziz s’étonnent de ne pas voir l’ancien fonctionnaire au banc des accusés : « Votre nom est mentionné dans le traité, pourtant vous n’êtes pas accusé. Bizarre ! », s’écria l’un des avocats de l’ancien président.
Concernant la société Najah, Thiam Diombar affirme avoir cédé un terrain pour la création du nouvel aéroport de Nouakchott, suite à la décision d’un conseil des ministres. Apparemment, aucune évaluation n’avait été effectuée par le ministre des finances au sujet de la remise des terrains à la société Najah pour la construction du nouvel aéroport.
L’atmosphère dans la salle est électrique, les avocats se chamaillent sans cesse et les témoins semblent pris dans un véritable piège. Cette affaire marque sans aucun doute l’histoire de la Mauritanie.
Les avocats n’ont eu de cesse de reprocher au témoin de ne pas avoir étudié suffisamment en détail le projet de la société de coopération et de développement mauritanienne. Ce projet visait à produire des avions pour la Mauritanie, mais la défense a souligné que, étant donné son importance et son envergure, il aurait dû être mieux étudié avant d’être approuvé. Un avocat n’a pas manqué de rappeler que ce projet était en fait une arnaque. Les investisseurs américains impliqués ont été arrêtés au Brésil en 2013 et condamnés pour fraude.
Outre les accusations portées contre les accusés, une grande partie de la session a été consacrée aux conditions de détention des accusés et à la durée du procès. Les plaidoyers se sont multipliés pour convaincre le juge d’accélérer le processus et de libérer les accusés le plus rapidement possible. Cela était la mission principale de la défense d’Ould Abdel Aziz qui a tout mis en œuvre pour obtenir une libération anticipée.
Malgré les échanges tendus entre la défense et l’accusation, le témoin a fourni des informations cruciales qui ont permis de faire avancer le procès. Il a été révélé que les décisions concernant le découpage de la zone industrielle de Dar Naim, la construction du nouvel aéroport de Nouakchott et le marché accordé à la société Najah ont été prises sous l’ordre de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz. Le témoignage de Thiam Diombar a donc jeté une lumière crue sur les agissements de l’ancien président et de son gouvernement, et a permis d’approfondir l’enquête sur les accusations de corruption et de fraude.
L’affaire a fait grand bruit dans le pays, soulevant des questions sur la corruption et la fraude au plus haut niveau du gouvernement. Les Mauritaniens espèrent que ces révélations contribueront à mettre fin à la culture de l’impunité qui prévaut dans le pays depuis trop longtemps.

Yamina Bendaida.

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