Agence France-Presse (AFP) : Les méharistes en Mauritanie… l’arme de l’État face au terrorisme

Au cœur des vastes étendues désertiques de la Mauritanie, des cavaliers montés sur des chameaux patrouillent dans les régions reculées du sud-est du pays, armés de kalachnikovs et de drones. Leur mission : sécuriser les frontières et traquer les groupes extrémistes. Ce sont les « méharistes », une unité de la garde national mauritanien, qui ressuscite une tradition militaire ancestrale datant de l’époque coloniale, lorsque la France utilisait déjà des unités de chameliers pour surveiller le désert.

Le colonel Moulay El Bachir, commandant de l’unité, a déclaré à l’AFP : « Ce groupe nomade est capable d’atteindre des zones extrêmement difficiles d’accès, garantissant ainsi la présence de l’État dans ces régions. » Depuis sa relance en 2019, l’unité a vu ses effectifs doubler pour atteindre environ 150 soldats, soutenus par 400 chameaux, grâce à un financement européen de plusieurs millions d’euros. Cette initiative vise à renforcer la stabilité de la Mauritanie, un rempart sécuritaire essentiel dans le Sahel en proie aux violences. Les patrouilles partent de la région du Hodh El Charghi, frontalière du Mali, où plus de 140 000 réfugiés maliens sont installés dans le camp de M’Béra, alimentant les craintes d’une propagation du jihadisme.

Les méharistes ne se contentent pas d’un rôle sécuritaire. Ils apportent aussi des soins vétérinaires, recherchent le bétail perdu, et distribuent des aides médicales, renforçant ainsi leur lien avec les populations nomades locales. « Le chameau n’est pas seulement un moyen de transport, c’est un symbole de confiance et d’intégration avec les habitants du désert », souligne le colonel Bachir. Cette unité illustre l’ingéniosité de l’utilisation des chameaux dans les opérations militaires : capables de traverser des terrains désertiques impraticables pour les véhicules, les chameaux supportent aussi des conditions extrêmes de chaleur, de soif et de disette. « C’est le moyen de transport le plus adapté à notre environnement », insiste le colonel.

La situation géographique de la Mauritanie, frontalière d’un Mali instable, renforce la dimension stratégique de cette unité. Les méharistes jouent un rôle clé dans la sécurisation des frontières et la prévention des infiltrations terroristes.

Cette initiative sécuritaire a bénéficié d’un appui important de l’Union européenne, sous forme de plusieurs millions d’euros destinés à renforcer les capacités opérationnelles de l’unité. Ce soutien s’inscrit dans le cadre de la coopération sécuritaire régionale et vise à appuyer la Mauritanie dans sa lutte contre le terrorisme et pour la stabilité.

Outre la sécurité, les méharistes veillent aussi sur les puits, véritables artères vitales du désert. Les itinéraires de passage sont organisés autour de ces points d’eau, essentiels à la survie. « Celui qui contrôle les points d’eau contrôle le désert », affirme le colonel Bachir. Le gouvernement mauritanien a d’ailleurs construit un réseau de puits le long des parcours des patrouilles, facilitant la mobilité et limitant les trafics, notamment de personnes, entre le Mali et la Mauritanie. Ces puits ont aussi encouragé l’installation de populations nomades, formant de petites communautés stables autour de ces points d’accès à l’eau.

Malgré la rudesse de la vie dans ces zones désertiques, où les températures atteignent parfois 50°C, des projets de développement — centres de santé de proximité, écoles — ont contribué à améliorer les conditions de vie. Un poste de santé a, par exemple, été ouvert pour éviter aux habitants de parcourir des centaines de kilomètres jusqu’à la ville la plus proche.

Face aux résultats obtenus, d’autres pays du Sahel, comme le Niger ou le Tchad, commencent à s’intéresser à ce modèle sécuritaire original. L’expérience mauritanienne est de plus en plus étudiée comme une source d’inspiration pour lutter contre le terrorisme et renforcer la stabilité régionale.

Même si les méharistes ne sont qu’un élément parmi d’autres du succès mauritanien dans la lutte contre le jihadisme, leur rôle reste crucial. En associant sécurité, développement et intégration sociale, la Mauritanie a posé les bases d’une stratégie globale de stabilisation dans une région où les menaces demeurent fortes.