L’ONG « Globale Transparence » révèle de graves anomalies dans le projet Aftout Elchargui

Fév 05, 2024 by maya agaly

L’ONG « Globale Transparence » a publié son rapport sur le projet Aftout Elchargui. L’organisation est parvenue à la conclusion que le projet a lamentablement échoué malgré les milliards dépensés, en raison d’une mauvaise mise en œuvre, de la fraude, de l’usage de faux et de conflit d’intérêts entre les superviseurs et les maîtres d’œuvre.

Selon le rapport, le projet Aftout Elchargui est un vaste projet relevant au Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement, qui vise à fournir de l’eau potable aux habitants des zones rurales situées dans le triangle de pauvreté et dans d’autres wilayas.

Dans sa 1ère phase, le projet a reçu d’importants fonds pour atteindre cet objectif grâce à d’énormes contrats pour la construction d’un grand réservoir et de vastes réseaux de canalisations et de châteaux d’eau, afin d’approvisionner les villages de trois wilayas : Gorgol, Assaba et Brakna, toutes riveraines du barrage de Foum Gleïta.

La 1ère phase de ce projet comporte 2 parties :

• Partie 1 : Elle est réalisée par « Arab Contractors Company », qui porte essentiellement sur la construction d’un immense réservoir d’eau au sommet du plateau de Chalkhat El-Tiyab et son alimentation en eau depuis le barrage Foum Gleïta via des pompes et gros tuyaux. Ce volet a été achevé de manière acceptable en 2016.

• Partie 2 : Elle vise à approvisionner les villages bénéficiaires, à partir de l’immense réservoir de Chalkhat El-Tiyab, à travers un réseau de canalisations qui alimentent des centaines de robinets publics, principalement à travers 2 gros contrats. Ces contrats ont été remportés par le consortium (groupement : CSE-VAERA-BIS TP) affilié au Président de l’Union Nationale du Patronat Mauritanien (UNPM), Zeine El Abidine Ould Cheikh Ahmed.

Le coût de la partie 1 est de 4.189.204.808 MRO, assortis d’une exonération fiscale de 953.344.381 MRO, en vertu de l’accord de crédit d’impôt du Lot 2-2.

La partie 2 est financée par l’Agence Française de Développement (AFD) pour un montant de 5.828.639.234 MRO en plus d’une défiscalisation de 1.785.299.365 MRO.

Après le suivi de la mise en œuvre de ces travaux et de leurs résultats qui visent à fournir de l’eau potable à 155 000 ménages, dans le cadre d’une visite sur le terrain de 2 semaines, aux zones ciblées ;

Après avoir interrogé les riverains sur la réalité de la disponibilité et de la continuité de l’eau des robinets publics depuis le lancement du projet ;

Après avoir examiné la majorité des « robinets publics » que le projet devait mettre en place, pour alimenter tous les villages environnants ;

Après avoir comparé l’existant – ce qui a été fait sur le terrain – par rapport aux objectifs déclarés du projet et comparativement au planning des quantités et prix figurant dans le marché et dans le cahier des charges y afférent ;

Après avoir enfin analysé tous les documents collectés par l’ONG sur le projet ;

Celle-ci est parvenue aux constats suivants :

a. La mise en œuvre du projet en général a été très médiocre, car l’eau n’était pas disponible dans la grande majorité des robinets publics. Par exemple, suite à la visite de 100 robinets publics répartis au hasard dans toutes les régions, l’ONG « Globale Transparence » a noté :

• L’eau a été complètement coupée de 20% des robinets 3 jours seulement après l’ouverture du projet – le Jour de l’Indépendance en 2020 – jusqu’à aujourd’hui ;

• L’eau est fournie de manière intermittente et injuste à la population dans 72% des robinets publics ;

• La disponibilité de l’eau est presque toujours de 8% seulement ;

b. La mise en œuvre du projet a été affectée par une fraude en quantité et en qualité. D’où l’impact du volume de l’eau fournie et son incapacité à atteindre les objectifs assignés ;

c. Il s’est avéré que les représentants des autorités officielles, tout comme ceux du bureau d’études chargé du contrôle et de l’entreprise chargée de la maîtrise d’ouvrage, tous étaient d’accord pour manipuler le projet et ses objectifs.

L’ONG a abordé le marché (AEP) comme étant un modèle de manipulation, à travers 3 composantes principales qui sont les plus importantes en termes de coût financier.

1. Réseau de canalisations :

Il s’agit de l’élément le plus précieux du projet, car sa valeur dépasse 4 milliards MRO (4.072.590.950), dont 3 milliards 400 cents millions MRO (3.419.920.168) représentent le prix de 818,970 km de conduites. Le reste (652.670.782 MRO) est destiné aux travaux d’excavation et de remblayage des tranchées qui ont été faites pour l’installation des canalisations.

L’organisation a conclu qu’en termes de quantité, et selon le procès-verbal de réception signé le 2 novembre 2020, la longueur totale des canalisations réalisées pour la Composante (A) est de : 310,853 km + 56,439 km, et pour la Composante (B) elle est de : 154,578 km, soit un total de : 521,87 km.

Ce qui signifie que 297,10 km de la quantité initialement convenue, soit 36,27% de l’accord initial (Document 1 et Document 2) n’ont pas été réalisés !

En termes de qualité, l’ONG a confirmé, à travers les visites de terrain qu’elle a effectuées, la mauvaise qualité du réseau de canalisations et de ses accessoires. En effet, elle a observé des fuites partout, malgré un volume faible et intermittent.

Il est également manifeste que les opérations de creusement et de remblayage des canalisations, qui ont coûté plus de 600 millions MRO, n’ont pas respecté les termes des obligations.

Le creusement devait atteindre une profondeur comprise entre quatre-vingt-dix (90) cm et cent quatre-vingt-dix (190) cm pour les plus petites canalisations, afin de les protéger de l’exposition aux risques de dommages (usure). Mais c’est tout le contraire qui s’est produit.

L’objectif inavoué est de réduire le coût des travaux et encaisser l’importante somme mentionnée ci-dessus, sans faire d’efforts significatifs. Cela n’est possible qu’avec la complicité du bureau de contrôle, qui reçoit plus de 500 millions par an (Document 6) au titre de sa mission de contrôle, de la garantie de qualité et du respect du cahier des charges.

« Vous constaterez avec nous que les canalisations à même le sol, nous en avons rencontré partout, preuve que la profondeur de l’excavation n’a pas dépassé 20 cm au lieu des 90 à 190 cm exigibles ».

. Les robinets publics

Il s’agit en effet de la composante la plus importante du projet et de la 3e en termes de coût. Elle s’élève à 219.956.234 MRO, pour la réalisation de 402 robinets publics selon le contrat initial.

L’organisation a noté que, en vertu du PV de livraison signé le 02/11/2020, le nombre total de robinets publics réalisés est de 271 pour la composante (A) et 81 pour la composante (B). Ce qui signifie une différence de 50 robinets. Mais force est de constater également que le nombre de robinets reçus, à en croire le procès-verbal de livraison, n’était pas correct. Car une mission conjointe entre le Ministère de l’Hydraulique et la Société Nationale D’Eau a établi un bilan le 28 mars 2021, soit 4 mois après réception lors d’une tournée de 8 jours visant à recenser les réalisations pour démarrer la mise en service.

Ladite mission a constaté que le nombre de robinets effectivement existants sur le terrain ne dépasse pas 319. Ce qui dénote de la complicité du bureau d’études en charge du contrôle et du manque de crédibilité du comité de réception, après avoir ignoré l’absence de 83 robinets (soit 20,64%).

En termes de qualité, l’ONG « Globale Transparence » a constaté, à travers l’inspection des robinets publics, que ce qui a été réalisé était très médiocre et non conforme aux prescriptions techniques du cahier des charges.

. Les châteaux d’eau :

Leur valeur totale est de : 416.442.662 MRO, dans le but de réaliser 25 châteaux d’eau et 2 réservoirs, respectivement au titre des composants (A) et (B).

L’organisation a noté qu’en termes de quantité, le nombre de châteaux d’eau est de 19 plus 1 réservoir RST pour la composante (A) et, pour la composante (B), il y a 6 châteaux d’eau plus 1 réservoir RST. Mais, selon le PV de réception, seulement 18 châteaux pour la composante (A) et 6 châteaux d’eau pour la composante (B) ont été achevés. Ce qui signifie une perte d’un château d’eau.

Quant à la mission du Ministère de l’Hydraulique, qui a recensé les châteaux d’eau au bout de 4 mois, il n’y en a que 17 pour la Composante (A) et 5 pour la composante (B).

Ce qui signifie que 3 châteaux d’eau n’ont pas achevés (12% du total des châteaux d’eau programmées), ce qui confirme le manque de crédibilité de la commission de réception.

En termes de qualité, l’organisation a noté que les châteaux d’eau n’étaient pas équipés de dispositifs de télécommande. En outre, les finitions n’étaient pas terminées et la plupart n’étaient pas peints. Certains sont vides, quand ils ne sont pas tout simplement hors service, à cause des fuites.

L’organisation a confirmé qu’il y a complicité au détriment du projet : « Malgré tout ce que nous avons énuméré d’anomalies des composantes les plus importantes du projet, un montant supplémentaire a été accordé à l’entreprise exécutante à travers un avenant d’une valeur de : 699.329.334 MRO, assorti d’une exonération fiscale d’un montant de 209.911.523 MRO. Et ce quelques mois avant la fin des travaux.

Voici les motifs de l’avenant au marché initial :

• Augmentation du nombre de villages bénéficiaires du projet ;

• Augmentation de la longueur des châteaux d’eau de 10 à 20 m ;

• Augmentation des capacités de pompage de l’eau des stations (Document 12).

L’organisation a déclaré que ces arguments sont fallacieux, comme le démontrent les éléments suivants :

• Concernant la première justification, l’alimentation de nouveaux villages ne peut se faire qu’à travers les robinets publics. Or 77 R robinets ont été détournés, comme indiqué plus haut ;

• Quant à la 2e justification, elle est fausse, car tous les châteaux d’eau du plan initial mesuraient 20 m de long excepté un, dont la longueur n’a pas été augmentée, puisqu’elle est de 10 m, selon le PV de la mission conjointe en date du 28 mars 2021, (voir documents infra) ;

• Enfin, en ce qui concerne la 3e justification, elle est également erronée, selon les témoignages des habitants qui souffrent de la pénurie d’eau.

Il ressort clairement de l’analyse du devis de cette annexe que, pour obtenir l’énorme montant escompté pour le détournement, la quantité des canalisations les plus grandes a été multipliée par 2. Il y a deux raisons à cela: elles sont les plus coûteuses et souterraines, donc difficiles à vérifier.

L’ONG a confirmé avoir comparé les emplacements des châteaux d’eau alimentés par ce type de canalisations dans l’accord initial avec les endroits où la mission conjointe les a trouvés. Il en résulte qu’ils se trouvent aux mêmes endroits. Ce qui signifie que la distance n’a pas été augmentée, comme le stipule l’avenant. Or 297,10 km de canalisations programmées n’ont pas été réalisées, sans oublier la disparition de 3 châteaux d’eau !

L’Organisation « Globale Transparence » a estimé que cet avenant avait été accordé en connivence entre 3 parties :

1. Le représentant du Ministère de l’Hydraulique, M. Ahmed Zeidane Ould Taleb Mokhtar, Coordonnateur du projet Aftout Elchargui. C’est à la fois lui qui a signé l’avenant au marché initial et présidé la commission de réception. Or, il n’a mentionné aucune insuffisance dans les quantités des composantes de l’accord malgré la majoration du montant du marché. Il s’est contenté de quelques observations formelles.

2. Bureau d’Etudes SGIE/CIRA

Il s’agit d’un consortium regroupant SGIE (bureau d’études mauritanien appartenant à l’homme d’affaires Mohamed Lemine Ould Betah) et un bureau d’études malien dirigé par Seydou Coulibaly. Le SGIE/CIRA a reçu un million cent quatre-vingt-deux mille euros (1.182.000 €) chaque année. Ce qui équivaut à 500 millions MRO par an (voir documents infra).

Le contrat prévoit des salaires mensuels pour les ingénieurs travaillant au bureau, de plus de six mille euros (6.000 €) de salaires mensuels, versés à des dizaines d’ingénieurs et techniciens virtuellement présents sur tous les chantiers (selon le contrat), afin de procéder au contrôle de tous les travaux de la société exécutante. Le but est d’assurer le respect de la quantité et de la qualité selon le cahier des charges de cet important projet.

Malgré tout cela, le bureau a participé à toutes les opérations frauduleuses, car c’est lui qui a fourni les justifications qui ont ouvert la voie à l’augmentation mentionnée à l’annexe n°2 et signé tous les procès-verbaux de réception des quantités fausses.

3. Membres du comité de réception

Il comprend des représentants de secteurs importants du pays (voir le document indiquant les noms et fonctions15), et aucun d’entre eux ne s’est opposé à la non-exécution d’un pourcentage important des travaux programmés dans l’accord, qui s’élèvent à environ (23% de l’ensemble des travaux) et qui sont programmés dans les 3 composantes du projet. Et ce conformément aux estimations de l’ONG basées sur le pourcentage de travaux inachevés de chacune des trois principales composantes.

Le rapport conclut que l’ONG « Globale Transparence » a confirmé que l’Agence française de Développement avait versé le dernier acompte du montant du prêt qu’elle avait accordé pour financer cette partie du projet, d’un montant de 22,3 millions d’euros (voir document 16) le 12/04/ 2020. Ce qui signifie que les générations futures seront responsables du paiement de l’argent qui a été dilapidé.

Ce projet, malgré son importance et les espoirs placés en lui pour fournir de l’eau potable à un nombre important de villages du triangle de la pauvreté comptant 155 000 habitants, a lamentablement échoué malgré les milliards dépensés pour sa réalisation. Les raisons: mauvaise mise en œuvre, fraude, manipulation et connivence entre les superviseurs et les exécutants.

L’ONG appelle les pouvoirs publics à ouvrir au plus vite une enquête sur ce projet, afin de récupérer l’argent volé aux citoyens et de dissuader tous ceux qui voudraient agir de la sorte, de façon la réédition d’un tel scandale.

L’organisation a joint au rapport des documents et des photos en guise preuves.

 

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