Le secteur des hydrocarbures en Mauritanie connaît une longue histoire de corruption, dont les conséquences néfastes se sont propagées et ont miné la précédente décennie.
On ne saurait donc discuter et d’analyser la décision prise il y a trois jours concernant la hausse des prix du carburant, sans nous référer à l’état des lieux, à la situation du secteur des hydrocarbures durant la période de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz. En effet, n’oublions pas que celui-ci porte la plus grande responsabilité de ce que nous vivons aujourd’hui. C’est la continuité de l’État.
Il est tout à fait naturel que dans n’importe quel pays du monde l’économie et les prix des biens de consommation soient affectés par le mouvement de l’économie mondiale, en suivant la courbe variation. Enchérissement en cas d’augmentation et chute en cas de baisse.
Dès lors, lorsque nous considérons cette décision – la hausse des prix du carburant – en fermant les yeux sur la situation du secteur durant la période de Ould Abdel Aziz, nous n’avons qu’à comprendre la décision et la justifier même, au vu des prix du carburant chez les pays voisins.
L’État mauritanien avait imposé une augmentation inversement proportionnelle des hydrocarbures en 2009-2010, dans le contexte d’une baisse progressive à l’échelle mondiale, 183 dollars la tonne en avril 2020.
Au cours des dix dernières années, l’Etat a continué d’imposer à ses citoyens environ 150 MRO par litre de produits pétroliers, sans compter les frais de douane et taxes.
Généralement, en cas de baisse à l’échelle mondiale, le prix du carburant et des produits pétroliers diminue proportionnellement dans les pays du monde.
Du coup, les pays ont tout intérêt à augmenter leurs stocks pour parer à une éventuelle hausse ultérieure afin de n’en pas subir les contre-coups en recourant aux réserves. C’est ce qu’on appelle le »lissage des prix ».
Le ministre mauritanien des Finances allègue que l’État a subventionné les prix du carburant à hauteur de 26 milliards MRO.
Mais la vérité est que c’est le citoyen qui continue à payer cette augmentation perpétuelle de 2009 à 2022 dans le contexte d’une baisse mondiale progressive des prix du pétrole, c’est qui en supporte et nul autre que lui, le citoyen mauritanien.
Par exemple, en 2020, et le président d’alors n’était nul autre que Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani, le prix avait atteint 350 dollars la tonne, un prix quatre fois moins cher que le prix actuel!
Et c’est ainsi qu’en 2021, précisément il y a sept mois, le prix était de 570 dollars la tonne.. Alors, à quoi ont-ils ont dépensé la différence ?!
Selon les estimations, du temps de Ould Abdel Aziz, ce que l’Etat avait gagné de la différence entre le prix de vente du carburant à la pompe et son prix mondial d’achat est de l’ordre de 250 milliards MRO. Tandis que l’écart est de 100 milliards MRO pour la période écoulée du mandat de Ould El-Ghazouani.
En fait, l’augmentation actuelle est inévitable, en raison de la hausse des prix mondiaux du pétrole.
Nous maintenons également toujours un prix acceptable par rapport aux pays voisins (496 MRO), alors que les prix au Mali sont de 626 MRO et de 620 MRO au Maroc, alors qu’au Sénégal voisin les prix sont moins chers.
Mais la question est : les prix du carburant en Mauritanie resteront-ils les mêmes s’ils baissent à l’échelle mondiale, ou seront-ils réduits de façon proportionnellement à la variation constatée ?
Le prix de la tonne de diesel en avril 2020 était de 183 dollars, alors que son prix hier, dimanche, atteignait 1129 dollars.
Par conséquent, qu’est-ce que l’Etat a gagné dans sa vente au citoyen à 350 MRO le litre durant cette période ? Et où est passé ce gain de l’écart des prix ? !
Addax et la manne financière
Ainsi, au nombre des effets négatifs sur les prix du carburant ainsi que les abus constatés dans le secteur : l’usage intempestif et récurrent de l’annulation de l’accord avec Addax ! Ce qui ne peut se justifier sans « commissions cumulées ». Car c’est l’extension de la validité des contrats qui sert la stabilité des prix et leur constance et non l’inverse.
Dans l’accord entre l’État mauritanien et Addax, le prix international du gas-oil s’ajoute aux frais d’expédition du port de Livourne en Italie jusqu’à celui de Nouadhibou en plus des frais d’assurance.
Tout cela se fait au frais du consommateur mauritanien. Et malgré tout, l’Etat paie aussi à Addax 177 dollars la tonne.
Or, il est économiquement admis que le profit dans le négoce du pétrole ne doit pas dépasser 3%, alors que dans l’accord Addax, il est fixé à 20%. Ce qui est totalement injustifié..
Il convient de noter que le bénéfice de 3% ne doit pas être sous-estimé, compte tenu du très important chiffre d’affaires, qui s’élève à environ un milliard de dollars par an !
En plus de cela, l’accord avec Addax comporte des pénalités pour retard de livraison ou mauvaise qualité de 10.000 $ par jour tout au plus, ce qui n’est rien du tout !
La question qui se pose d’elle-même : continuerons-nous à payer 177 dollars la tonne à Addax si le prix du pétrole revenait à son niveau bas d’avant, suite à la fin de ses justifications internationales comme la guerre d’Ukraine, ou allons-nous cesser de le faire ?!
Par exemple, lorsque nous importons une tonne de diesel a destination du port de Dakar depuis un port de la Méditerranée, ce serait plus de 50 dollars moins cher que si nous le faisions à destination du port de Nouakchott.
Aussi, les prix initial et les frais subsidiaires liés au transport, à l’assurance, aux frais et services connexes ne constituent généralement pas une source de profit pour l’exportateur.
Cependant, en manipulant la qualité du produit, le prix de la quantité diminue en conséquence. Par exemple, qui de 30 millions de dollars, il reviendrait dans ce cas à moins de 10 millions de dollars.
En plus de ses effets mécaniques désastreux sur les voitures, les machines et équipements des consommateurs.
Il ne fait aucun doute que le marché mondial nous impose en Mauritanie une augmentation des prix du carburant, conséquence de la mauvaise gestion des revenus qui ont bénéficié de la baisse mondiale des prix du pétrole depuis 2009 jusqu’à présent. La raison en est, malheureusement, ce bénéfice a été dépensé pour autre chose en tant que « rente ou royalties ». Ce qui constitue une énorme erreur.
Le citoyen paie le prix
Les répercussions négatives de la hausse des prix du carburant sont plus sévères pour la population mauritanienne que pour les autres populations des pays voisins en raison du faible pouvoir d’achat, et des « faux taux de croissance » annoncés officiellement.
En effet, la croissance au sein des pays voisins – dont le pouvoir d’achat de la population a relativement progressé au cours des quatre dernières années – résulte de la production, de la construction, de la consommation.
Tandis qu’en Mauritanie, la croissance résulte des impôts, taxes et des revenus provenant de l’écart entre les prix locaux et ceux internationaux du carburant. Par conséquent, il s’agit d’un faux taux de croissance.
Un secteur qui ne bénéficie pas de l’intérêt escompté
Autre problème de ce secteur, qui est la colonne vertébrale de la vie du pays, c’est le mépris exprimé dans l’affectation de personnes qui n’ont absolument rien à voir avec le secteur des hydrocarbures. C’est le cas de l’ancien député Sid’Ahmed Ould Ahmed (juriste), Ba Ousmane (spécialiste de la gestion de projets) et Abdallahi Ould Ahmed Damou (administrateur de régies financières). Ce dernier dirige Commission Nationale des Hydrocarbures.
Par ailleurs, le seul secteur qui n’a pas encore été restructuré depuis l’arrivée au pouvoir de Ould El-Ghazouani c’est celui du Pétrole, malgré l’efficacité dont jouit le ministre du Pétrole, de l’Energie et des Mines, Abdessalam Ould Mohamed Saleh.
En définitive, les prix du carburant qui sont contestés aujourd’hui en Mauritanie sont toujours appropriés, par rapport au prix que l’État mauritanien paye pour le fournir. Car il est moins cher qu’au Mali, même s’il est un peu plus élevé qu’au Sénégal.
Mais, ce que l’on ne saurait comprendre, ni accepter, ni ignorer, c’est que l’Etat mauritanien s’est évertué à traire le consommateur tout au long de 12 ans, lui brisant l’échine avec injustice inouïe pendant les périodes de baisse des prix mondiaux du carburant.
Sans se préparer aux fluctuations récurrentes des prix qui ne saurait tarder, en raison le de l’instabilité légendaire du marché, ni se préparer aux difficultés pendant les périodes d’opulence.
La solution?
Il faut élaborer une stratégie ferme pour éviter les effets des prix élevés du carburant, revoir l’accord avec Addax, tenir compte de la compétence et de la spécialisation de ceux qui sont chargés de gérer le secteur et ne pas se décourager en arguant que nous n’avons pas d’entrepôts pour stocker le carburant. Le Mali ne dispose pas non plus de magasins, car il est la proie aux affres de la guerre, de la pauvreté et du boycott. Et pourtant, le Mali contrôle les besoins de ses citoyens en carburant.
Par ailleurs, je pense qu’il fallait procéder par à-coups, de façon progressive, d’autant qu’il s’agit d’une hausse due à des conditions contraignantes : un envol des prix au niveau mondial et l’incapacité du budget de l’État à supporter les subventions.
De façon à ne pas avoir à appliquer 30 % d’un coup, car c’est une pilule trop forte. Il fallait aussi préparer le terrain médiatique.
Le recours d’une politique d’austérité, de baisse des dépenses publiques, de la rationalisation de celles-ci, avant de procéder à une hausse aussi importante des prix du carburant aurait été une solution logique.
Pour ce faire des mesures seraient prises : l’arrêt des voitures du gouvernement pendant hors des horaires de travail, réduction des salaires des hauts fonctionnaires tels que le Président de la République, les ministres et les dirigeants de grandes entreprises.
Cela aurait atténué l’impact d’une hausse soudaine.
Si les prix du carburant avaient été réduits lorsque les prix mondiaux étaient de 183,95 $ US la tonne en avril 2020, de 232,29 $ US en mai 2020 et de 439,8 $ US en janvier 2021, il n’y aurait certainement pas eu de protestation en cas de majoration des prix en réponse à une hausse mondiale.
Que Dieu épargne notre pays et son président de tous risques et périls.
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