J’ai une conviction qui ne fait que se renforcer avec le temps, c’est que le président Mohamed Ould El Ghazouani est différent, dans sa vision et sa pensée, de son prédécesseur, le général Aziz. Ils sont même aux antipodes l’un de l’autre.
Si le régime en place n’avait pas besoin d’une couverture médiatique pour ses réalisations, nous verrions clairement combien Ould El Ghazouani prendrait fait et cause pour les citoyens simples et marginalisés et combien il s’efforce et aspire à atteinte la gloire en tant que président de tous les mauritaniens.
Parfois, je me dis que le président El Ghazouani ressemble à un élève qui apprend à répondre aux questions d’histoire. Il aspire à devenir une belle histoire, rêve de voir son nom biffé du registre du coup d’état qui a tué le rêve démocratique par la gomme de réalisations grandioses appelées à devenir éternelles, dans l’espoir de faire oublier cet épisode malheureux de l’histoire du pays.
Le procès d’un président corrompu, les tracasseries qui lui sont faites et sa détention, ce n’est pas une promenade dans un bosquet.
Il s’agit d’un rêve jusque-là inaccessible, tant nous le considérions, auparavant, du domaine de l’impossible ou, du moins, de l’hypothétique. Mais, ce rêve s’est finalement réalisé, grâce à la volonté de Ould El Ghazouani, pour que ce soit un renforcement de l’honnêteté et de la transparence dans la gestion des deniers publics.
Toutefois, ce rêve ne portera ses fruits que s’il est soutenu par la désignation de personnes compétentes, aux mains propres et discrètes. Rien n’est plus destructeur pour la crédibilité que la proximité de gens corrompus et connus pour la justification des erreurs des dictateurs.
Si le président El Ghazouani voit chez ceux qu’il désigne dans les rouages de l’État et pour la défense de ses positionnements politiques des qualités que ne leur trouvent pas ses citoyens, le président doit savoir que, selon les usages démocratiques, la correction des malentendus de l’opinion publique se fait par un argumentaire visant à convaincre l’opinion publique par des preuves recevables, et non par le confinement et la tutelle sur les esprits.
Car, si la dictature est le pouvoir d’un individu, la démocratie, elle, c’est le pouvoir du peuple. En ce qui concerne ceux qui sont actuellement recyclés, il a été dit sur eux ce qui a été dit, vérité ou mensonge. En tout état de cause, qu’y a-t-il y a à gagner à aller à l’encontre de l’opinion publique en accordant à ces gens-là une confiance que le peuple ne leur accorde plus ?
Il est naturel qu’un régime nécessite parfois l’usage d’un politique « décrédibilisé » pour les besoins de certaines missions, telle que l’agitation des eaux troubles au sein du parti au pouvoir, en jetant, par exemple, un pavé dans la mare. Il en est ainsi de la référence dans le but de relancer le dialogue et de mettre fin à la polémique au sujet des caciques du parti au pouvoir. C’est là un rôle qui n’est pas à la portée de tous, y compris les meilleurs.
En effet, cela exige, un polémiste rompu au dialogue, habile manœuvrier, peu concerné par ses propres contradictions, qui ne rougit pas à l’évocation de son passé sulfureux, ayant des nerfs d’acier, imperturbable sans être serein.
Nous ne demandons pas à un régime politique de faire de tels personnages des forces d’appoint, justes bons pour certains buts et jetables après usage.
Mais, il ne faut pas qu’ils soient comme des fardeaux trop lourds à porter que le pouvoir traîne, telles des forces d’inertie qui empêchent toute avancée, toute progression. Je ne suis pas contre leur octroi de certaines prérogatives en contrepartie de leurs rôles et missions. Toutefois, pas au point d’être nommés directeurs ou présidents de conseils d’administration.
Les nominations – à quelques exceptions qui font la règle – demeurent dans le cercle de ceux qui ont été expérimentés et qui ont lamentablement échoué. Le clientélisme, le système des quotas et la représentativité tribalo-régionale, restent prégnants à désespérer. Sur l’autel de notre désespoir que sont sacrifiées les victimes expiatoires de la compétence, du savoir et de la probité.
L’observateur de la formation des gouvernements de Ould Bilal et de la nomination des secrétaires généraux et des directeurs d’établissements publics est comparable à un miraculé d’une hypothermie. Il ne peut s’éloigner du feu, au risque de mourir de froid, ni trop s’approcher du feu, au risque de se brûler. Il désire l’un et craint l’autre. Il se trouve alors dans une situation comparable à celle d’un Sisyphe, écartelé entre la peur et l’espérance.
Le temps s’en va trop vite, sur la voie de la prospérité. Nous courons, au milieu d’une formidable ruée vers l’avant. Nous nous efforçons à bicyclette de rattraper le train du développement. Nous entrons dans la bataille du progrès avec des soldats de plomb, handicapés, non munis de savoir, ni même de travail. Rien ne les distingue, si ce n’est le vol et l’achat, au moyen de l’argent du peuple, de l’allégeance de ce même peuple !
De sorte qu’ils sont devenus un fait accompli, une réalité à prendre en considération, dans les contraintes de l’art du possible.
Ould El Ghazouani doit savoir que celui qui marche lentement, quand il voudrait courir, ne courra jamais s’il pense longuement aux modalités de la course, aux difficultés de la route et à ses turpitudes. Il doit courir et c’est tout. Peu lui chaut que les arrivistes de tous bords tombent raides sur la route. Le président devra n’en avoir cure !
De tout cœur, je lui souhaite pleins succès !
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